LE SAUVETAGE DES ARCHIVES

Le problème de l’intégrité et de la préservation des archives

Dès le décès de G.A. Pugachenkova, survenu le 16 février 2007, des voix se sont régulièrement fait entendre dans la presse ouzbèke pour attirer l’attention sur les conditions inadéquates dans lesquelles les archives personnelles de la scientifique étaient stockées au domicile de son fils Rostislav Olegovich Sosnovskij. Les journalistes ont à plusieurs reprises souligné l’absolue nécessité que des institutions ouzbèkes telles que les Archives Nationales ou l’Institut d’histoire de l’art Khamza en fassent l’acquisition (voir les nombreuses publications à ce sujet [1], [2]). Déjà fort précaire – notamment en raison de l’âge et de la santé fragile de R.O. Sosnovskij, retraité aveugle et désargenté –, la situation s’est encore compliquée entre 2009 et 2016, lorsqu’un homme d’affaires indien a fait construire un hôtel particulier de deux étages sur la parcelle jouxtant la demeure familiale de G.A. Pugachenkova (voir l’analyse de la situation, [3], [4], [5], [6]). La maison, qui a alors menacé de tomber littéralement en ruines si des travaux d’importance n’y étaient pas entrepris de toute urgence, était donc loin de représenter un lieu de stockage idéal et sûr pour ces archives. Le fait que G.A. Pugachenkova ait passé les trois dernières années de sa vie dans cette demeure, et que son fils y ait installé un « bureau-mémorial » en hommage à sa mère n’a nullement arrangé les choses. À cette époque, on assiste en Ouzbékistan à l’apparition et au développement rapide d’un marché des antiquités et du livre ancien qui représente une menace bien réelle pour l’intégrité des archives, et ce d’autant plus que des marchands dans ce domaine qui avait alors le vent en poupe, avaient déjà réussi quelques années plus tôt à mettre la main sur la très riche bibliothèque de G.A. Pugachenkova et M.E. Masson.

 

Les archives et leur état de conservation 

G.A. Pugachenkova collecta ses archives tout au long de sa vie, méthodiquement et avec soin, mais sans toutefois manifester une réelle volonté de les trier selon des critères spécifiques. À mesure qu’elle achevait un travail de publication ou la préparation d’un événement scientifique, elle rangeait tous les documents – manuscrits, notes, photographies, dessins, comptes-rendus, journaux de fouilles, lettres, etc. – dans des dossiers au décor datant de la période soviétique. Les nombreuses pellicules photographiques, sous forme de rouleaux, étaient découpées par planches de 5 ou 6 images et stockées dans des enveloppes de fortune annotées, ou bien encore classées en vue de publication dans des enveloppes spéciales sur lesquelles étaient collées des « étiquettes de contrôle » ; le tout était rangé dans des boîtes à chaussures. Les photographies proprement dites, personnelles, tant familiales qu’officielles, étaient conservées à part, soit dans des albums, soit dans des enveloppes. Des pochettes spéciales abritaient la correspondance privée que G.A. Pugachenkova appelait « lettres de l’ancien temps ». Ses nombreux diplômes étaient stockés dans de grandes enveloppes.

L’ensemble des archives était constitué de 344 dossiers, auxquels s’ajoutaient 3 dossiers de correspondance personnelle et une boîte à chaussures de pellicules, le tout étant pieusement conservé dans la famille du fils de la scientifique.

Toutes ces archives ont été déménagées en 2004, lorsque G.A. Pugachenkova quitta la célèbre Maison des Spécialistes – située le long du canal Ankhor –, pour s’installer dans une demeure individuelle de la rue Mironshokh. Elles y ont été stockées en différents lieux, notamment dans l’entrée, mais aussi sur les étagères des nombreuses bibliothèques meublant le bureau de G.A. Pugachenkova.

 

Travail de numérisation et de classification des archives

Le travail a débuté en décembre 2018.

La première étape a été de dépoussiérer les documents, après quoi il a fallu opérer un classement préliminaire, puis comparer le contenu de ce qui avait été acquis avec la liste qui avait été initialement fournie.

Il a ensuite fallu mettre au point un protocole méthodologique pour la numérisation des documents, à savoir le scan de chaque feuillet en couleur et à une résolution de 600 dpi, puis son enregistrement sous trois formats – JPG lourd en haute résolution, JPG léger, et PDF. La numérisation des documents « classiques » a été faite sur un scanner fixe, les pellicules ont été scannées à partir d’un appareil photo, et les documents de grand format (plans, reconstitutions, etc.) ont été numérisés à la Bibliothèque nationale Alisher Navoi de la République d’Ouzbékistan, qui dispose d’un scanner allemand de grande qualité. 44 200 feuillets d’archives ont été numérisés, ce qui représente 80 742 fichiers informatiques. À cela se sont ajoutés 1560 négatifs réunis en 188 dossiers. Les archives de Pugachenkova totalisent donc 532 dossiers composés de 43 760 documents scannés.

Parallèlement à ce travail de numérisation, nous avons développé un programme spécifique destiné à mettre en place une base de données en ligne, et procédé à la description de chaque document scanné.

À partir des paramètres de la base de données, nous avons élaboré une méthode de description des documents reposant sur les critères suivants : numéro du dossier, numéro de la partie, numéro du document, type de document (manuscrit, texte dactylographié, lettre, compte-rendu, photographie, croquis, plan, etc.), auteur, nom du document, nombre de pages, dates, mots-clés, localisation, personnages cités, et enfin commentaires/renvois bibliographiques.  

À l’heure actuelle, près d’un tiers des archives a déjà été décrit. Le site sera enrichi au fur et à mesure de l’avancement du travail, ce dont nous informerons régulièrement les utilisateurs.

Nous prévoyons l’achèvement complet du travail de description des archives pour la fin de l’année 2022, après quoi l’intégralité des documents sera gracieusement offerte à l’Ouzbékistan et transférée aux Archives Nationales du pays. Les archives y seront alors inventoriées et classifiées conformément à la méthode en vigueur dans cette institution, et seront intégrées aux archives de M.E. Masson, époux de G.A Pugachenkova, pour ne former qu’une seule et même collection. 

Premier tri des archives : Svetlana Gorshenina et Enver Asanov (vidéo d’Aziza Umarova, avril 2019).